Accueil A la une Trois ministres auditionnés: Une séance de contrôle parlementaire civilisée

Trois ministres auditionnés: Une séance de contrôle parlementaire civilisée

Le drame, lorsque la justice procède à l’interpellation des parties prenantes, autant des promoteurs immobiliers que des donneurs d’ordres et spécialement des responsables de l’administration scolaire corrompus, leurs collègues déclenchent des mouvements de grève pour peser sur les décisions de justice et les faire libérer.


Trois ministres étaient présents hier pour répondre aux questions des députés à l’ARP. Lesdites questions désignées par «orales» avaient déjà été adressées par écrit aux départements concernés. C’est l’usage. Les membres de l’exécutif, fiches à la main, argumentaient donc avec aisance, maîtrisant leurs dossiers.

SI on devait résumer à grands traits le débat parlementaire, le ministre de l’Education a eu à répondre à la question de la vétusté des édifices scolaires. La ministre de l’Enseignement supérieur a été interpelée sur des cas particuliers et le ministre du Transport, notamment, sur des projets en suspens, tel le métro de Sfax, ou encore des sites à l’arrêt, comme l’aéroport de Tabarka-Aïn Draham.

L’état des établissements scolaires a fait l’objet de questions récurrentes des représentants du peuple, et pour cause, il s’agit d’une véritable tragédie nationale. Faute d’entretien et de maintenance, par manque de moyens, mais également de malversations de tous bords, les écoles tunisiennes avec leurs murs abîmés, leurs toits dégradés, leurs vitres brisées et un mobilier scolaire non conforme, donnent l’apparence d’un pays en guerre.  Le lycée Ibn-Rochd à La Chebba menace ruine, une douzaine d’années seulement après sa construction, dénonce le député Nejmeddine Ben Salem. Si ce n’est pas un signe de malversation caractérisée, alors qu’est-ce que c’est ? Les élèves ont été évacués et dispatchés dans les établissements environnants, eux-mêmes délabrés. Des travaux sont lancés pour la restauration du lycée en question. Etat d’avancement : 10% !

Le drame, lorsque la justice procède à l’interpellation des parties prenantes, autant des promoteurs immobiliers que des donneurs d’ordre et spécialement des responsables de l’administration scolaire corrompus, leurs collègues déclenchent des mouvements de grève pour peser sur les décisions de justice et les faire libérer. Voire pour lever de simples sanctions disciplinaires. Il faut savoir ce qu’on veut ? Eriger la lutte contre la corruption comme principe fondateur de la deuxième République ? Ou bien la combattre, oui, mais loin de soi. Puisque de fait, à chaque fois qu’un secteur est touché, le corporatisme vent debout met fin à toute opération d’assainissement.

Il a sauvé son année « grâce » au Covid

A Jendouba, 50% des établissements ne sont pas raccordés à l’eau potable. L’internat du lycée de Bou Salem a été fermé. Les pensionnaires, des jeunes filles, sont acheminées le soir vers un autre pensionnat et ramenées le lendemain pour assister aux cours, et ce, depuis 2018, nous apprend l’élu Taoufik Zaïri !

Sur les hauteurs d’Aïn Draham, l’une des régions les plus froides du pays, les écoles ne sont pas chauffées. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que le décrochage scolaire atteigne des sommets paroxystiques avec 100 mille cas d’abandon par an. Une partie des apprenants est récupérée et réacheminée vers l’école, assure le ministre Fathi Slaouti. Mais l’autre, près de la moitié, se perd dans la nature. Comprenez, dans les profondeurs des mers et sur les hauteurs des montagnes. Terrorisme et immigration clandestine, les deux vraies débouchés de ces oubliés du système. Et tout le monde est responsable. Pas seulement l’Etat.

La ministre de l’Enseignement supérieur a eu à répondre à deux cas spécifiques. Un étudiant en médecine qui a fait l’objet de sanctions disciplinaires pour s’être fendu d’un statut sur sa page facebook ! Ledit étudiant, selon le plaidoyer du député Yassine Ayari, s’est plaint du fait que la bibliothèque ne soit pas climatisée, à l’instar de l’ensemble de la Faculté qui l’est, «il fait 1 million de degrés de chaleur à la bibliothèque, et les climatiseurs sont éteints, si ce n’est pas de la bêtise». Il a  employé une tourne impersonnelle, sans désigner personne ni une partie quelconque. Un étudiant en médecine qui passe de la troisième à la quatrième année, sanctionné sévèrement pour un statut sur facebook ? Oui, parce qu’«il a violé l’obligation de réserve» ! Serait-il un haut commis de l’Etat ayant révélé des informations confidentielles ? Heureusement, se félicite le député, l’étudiant a pu sauver son année «grâce» au Covid.

L’élue Leïla Haddad a défendu le cas de la jeune docteure Rabeb Touati qui se dit victime d’injustice perpétrée à son encontre par la commission académique qui a fait preuve de partialité. La ministre de l’Enseignement supérieur, Olfa Ben Ouda, a défendu les deux  décisions prises par les administrations respectives, en apportant quelques nuances. Elle précise que ce sont des affaires soulevées avant sa prise de fonctions. Mais dans la continuité de l’Etat, elle les assume totalement. Tout à son honneur. Mais sans entrer dans les détails, les affaires étant en cours, le ton paternaliste employé n’était pas très approprié. Si l’on part du principe que nous sommes dans un Etat de droit. La loi devrait avoir le dernier mot ou bien des recommandations qui s’appuient sur des bases rationnelles et des preuves tangibles. Le sentimentalisme parce qu’il a recours souvent à des considérations subjectives peut se révéler dangereux parce que souvent arbitraire.

Le comptoir à café !

Noomane El Euch, lui, a évoqué, la situation problématique de l’Institut des langues Bourguiba School aussi bien à Tunis qu’à Sfax, pratiquement à l’arrêt. Il a exposé l’affaire des deux professeures qui auraient perçu leurs rémunérations sans avoir assuré de cours, lesquelles d’ailleurs ont porté plainte, selon la ministre. Le député s’est également interrogé sur l’absence permanente du directeur de l’établissement. Il a également évoqué le cas «risible» de cette fameuse secrétaire qui s’est convertie en cafetière.

Elle a fait rentrer une machine à café et vend ce breuvage pour son propre compte dans un établissement public, visiblement à la dérive, selon l’élu. 

Après dix minutes de pause, c’était au tour du ministre du Transport. Le député Nidhal Saoudi a interrogé Moez Chakchouk sur l’aéroport relevant de sa circonscription, Tabarka-Aïn Draham, se demandant pour quelle raison est-il totalement fermé au trafic aérien, dénonçant au passage une décision politique. Même remarque soulevée par la députée Mariem Ben Belgacem quant à l’aéroport de Thyna-Sfax. Le membre de l’exécutif a invoqué l’impact de la pandémie sur l’ensemble du secteur du transport aérien. Il a énuméré les problèmes endémiques du transporteur national, Tunisair, ainsi que le faible rendement de certains sites. Il a également tenu à faire valoir l’importance de la crise des compagnies internationales frappées de plein fouet par les mesures sanitaires. En proposant comme solution alternative, la conversion de certains aéroports intérieurs en aérogares de fret, transport de marchandises. Quant aux projets inachevés, tel le métro de Sfax, le ministre a assuré que lesdits projets sont à l’étude et que pour certains, des bailleurs de fonds internationaux ont exprimé leur intérêt pour prendre part aux financements.

Une séance de contrôle du gouvernement qui a démarré vers midi et qui s’est déroulée, ô surprise, dans le calme. Pas de points d’ordre intempestifs, pas d’échanges d’accusations, pas de levée de séance répétées, pas de mégaphones résonnant de slogans et d’insultes, notamment à l’encontre de la vice-présidente de l’Assemblée. Pour finir, la violence verbale ou physique perpétrée par un homme à l’encontre d’une femme, c’est du harcèlement et d’une femme contre une autre femme, c’est encore du harcèlement.

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